Calcul et Arithmétique
Par Élisabeth SpieringCalcul et Arithmétique
En maternelle, on s’émerveille souvent de ce que les enfants savent déjà, pour certains, compter jusqu’à 20, 50 ou même 100. On croit alors que le calcul est acquis par la même occasion. Mais, savoir compter comme on récite les jours de la semaine ne veut pas dire savoir calculer ! Pour vérifier, il suffit de demander à ces jeunes enfants de compter de 2 en 2 à partir de 5, ou même à partir de 1. Essayez encore de demander quel est le nombre qui vient avant 9 ou après 24 et bien souvent seul le silence répondra. Même en CP, car cela n’a rien d’évident à l’heure actuelle pour bien des enfants. En effet, s’ils n’ont pas compris que pour passer d’un nombre au suivant, on ajoute un, ils ne seront pas en mesure de répondre.
Alors, comment apprendre à calculer à des enfants ?
Cela se fait petit à petit, en commençant par le simple pour aller vers le complexe. En CP, on a pour habitude de mener l’apprentissage jusqu’à 100. Lorsque l’école comportait plus de 200 jours d’école, il était possible d’aller jusqu’à 1000 mais aujourd’hui 100 paraît plus raisonnable. Une des missions de l’école, c’est d’enseigner notre système décimal basé sur la position des chiffres afin de le mettre au service du raisonnement. En effet, c’est parce que l’homme a voulu répondre à des questions d’ordre mathématique qu’il a conçu au cours de son Histoire, un système qui lui permette d’ouvrir des horizons infinis à son esprit. Ainsi, enseigner les premiers rudiments du calcul en respectant les capacités des petits sans omettre le nécessaire ni céder dans les exigences, c’est s’assurer qu’ils auront alors les bases pour continuer dans de bonnes conditions la suite de leur scolarité.
Maintenant, voici comment reconnaître une méthode de calcul efficace qui mette en place les bases nécessaires pour la suite (des exemples sont proposés à la fin de l’article).
Pour le CP, la leçon doit proposer 4 parties :
1. La manipulation concrète d’objets familiers
2. Des calculs simples à partir de petits problèmes faits à l’oral
3. Des calculs écrits en ligne et posés
4. La résolution de problèmes variés
Voyons maintenant plus en détails ce que recouvrent ces 4 étapes.
1/ La manipulation concrète d’objets familiers
Il est clair que la connaissance du nom des nombres se fait par l’acquisition du calcul. Ainsi, il faudra manipuler des objets concrets pour familiariser les élèves avec la quantité étudiée en partant de 1, puis 2, puis 3 … d’abord jusqu’à 10, puis jusqu’à 20 et enfin jusqu’à 100. En effet, la suite des nombres n’est pas une convention (en dehors du nom des nombres), 4 vient après 3 parce qu’on a ajouté 1. Ce n’est pas une « comptine » à savoir par cœur comme les jours de la semaine ou les mois de l’année, dont l’ordre a été un jour décrété une fois pour toutes.
Exemple : On apprendra que 11, c’est 1 « dix » (paquet de 10 unités) et 1 unité (objet compté par un). La notation 11 est le résultat de ce qu’on voit : 1 paquet de 10 et 1 unité. Cette quantité aurait dû s’appeler dans un système régulier « dix-un » (comme on a dix-sept, dix-huit, dix-neuf), mais l’histoire de notre langue lui a donné un autre nom « onze ». L’enfant le retiendra, si et seulement si, il a compris ce qui est exprimé derrière cette appellation. De même pour 10, les 10 unités sont groupées en 1 dizaine et le 0 marque l’absence des unités comptées seules.
Ainsi, la méthode proposera, d’abord, une présentation du nombre qui part de ce que l’enfant connaît. Il connaît 3 donc, on apprend que 4 c’est 3 et 1. Cette présentation est suivie de nombreuses manipulations avec des unités variées (nombre de doigts, d’euros, de centimètres, d’objets, de bûchettes, de billes), afin que les élèves aient une connaissance concrète de la quantité qu’ils représentent: montrer 4 doigts, 4 billes, 4 centimètres, 4 livres…etc Pour aider à cette compréhension, on peut utiliser divers outils comme la balance de Roberval. Elle est un excellent outil pour faire comprendre ce qu’est une « égalité ». Cette dernière sera mise en évidence par l’équilibre des plateaux.
De même l’utilisation du boulier est très utile. Tant pour représenter les nombres étudiés que pour calculer ensuite. Une fois que l’enfant aura bien compris ce qu’est la quantité étudiée, on passe à l’étape suivante.
2/ Des calculs simples à partir de problèmes simples faits à l’oral
Ils utilisent des unités variées, pour apprendre progressivement les 4 opérations. L’écriture suit, elle représente la chronologie des évènements de ces problèmes au moyen des chiffres et des signes +, -, x, :, =…. Une fois que les enfants se représentent bien la quantité tant avec des objets qu’avec la balance de Roberval ou sur un boulier, d’autres manipulations permettront de faire des calculs simples avec ces quantités.
Exemple : J’ai 2 billes, j’en perds une à la récréation combien m’en reste-t-il?
Après s’être demandé (systématiquement): Je cherche un nombre de quoi? (ici, on cherche un nombre de billes), les enfants s’aideront de la balance ou du boulier (je prends 2 billes, j’en retire 1, je vois qu’il m’en reste 1).
Ils pourront ensuite représenter l’histoire sur l’ardoise (dessin de 2 billes, puis ils en barreront 1, ils constateront qu’il n’en reste qu’1 seule),
Enfin, ils diront 2 billes – 1 bille = 1 bille. car au départ il y avait 2 billes, alors on écrit 2 sur l’ardoise, il faut en retirer 1, on écrit « -1 » sur l’ardoise. Enfin je peux répondre à la question, il reste 1 bille, j’écris « =1 ».
On passe ainsi du concret à un dessin, c’est une première abstraction. Cela permet aussi aux élèves de comprendre que le calcul ne fait que traduire la chronologie des événements que nous venons d’étudier. La présence des unités est importante afin que les enfants ne perdent pas de vue que le calcul est quelque chose de concret. Les normes d’aujourd’hui les ont bannies, mais les maintenir aiderait les élèves à se demander à chaque étape ce qu’ils sont en train de calculer. Il est important, dès que l’enfant le peut, de lui faire écrire une phrase complète répondant à la question posée. On peut alors passer à l’entraînement.
3/ Calculs écrits: en ligne et posés
Chaque quantité étudiée donne systématiquement lieu à un entraînement au calcul en ligne et au calcul posé (écriture verticale des calculs). Le calcul posé est une convention facilitant le calcul. L’enseigner dès le départ, n’est en aucun cas un obstacle.
Ainsi, progressivement, les élèves apprennent à calculer avec les 4 opérations.
Exemple: l’étude du nombre 4 permet d’introduire : – La notion de « nombre de fois ». 4 euros, c’est 2 fois 2 euros (d’où l’importance de la présence de l’unité et d’un vocabulaire précis). – La notion de partage. Si je partage 4 gâteaux entre 2 enfants, chaque enfant aura 2 gâteaux. Tandis que les notions d’additions et de soustractions ont été introduites depuis l’étude du nombre 1.
Ainsi petit à petit, en partant des petites quantités, les enfants se familiarisent avec les 4 opérations.
Enfin on arrive à la conclusion de ce cheminement
4/ La résolution de problèmes faisant appel progressivement aux 4 opérations
Cette dernière phase est l’aboutissement de l’étude de chaque nombre. On apprend à calculer pour pouvoir résoudre des problèmes, c’est à dire réfléchir à la manière de trouver une réponse à une question posée. Au CP, on commencera par des problèmes posant une question à résoudre par un seul calcul.
Exemple : Maman me donne 4 cartes, puis encore 4. Combien de cartes ai-je à la fin ? Il faut un seul calcul pour répondre à cette question (4+4=8 ou bien 4×2=8)
On peut ensuite graduellement poser deux questions, pour terminer par poser une question qui nécessite deux calculs.
Exemple : Maman a 20 euros dans son porte-monnaie, elle achète des fruits pour 4 euros, puis des légumes pour 7 euros. Combien lui reste-t-il d’argent à la fin de ses courses ?
En conclusion, chaque nombre est travaillé selon ces 4 phases successives, pendant lesquelles le boulier et la balance de Roberval sont utilisés aussi souvent que nécessaire pour aider à la compréhension mais aussi pour vérifier la justesse d’un calcul. Ayant l’habitude de réfléchir avec les 4 opérations, si les enfants savent le faire avec des petits nombres, ils sauront aussi le faire avec des nombres plus grands.
à voir aussi
A ce propos, l’histoire des chiffres a un livre, celui de Georges Ifrah.
Présentation de l’oeuvre de Georges IFRAH, « Histoire Universelle des chiffres », parue dans la Collection Bouquins chez LAFFONT.
Cet article est basé sur l’analyse des méthodes suivantes :